Aérium Blancheneige
Marie ne dormait plus depuis trois quarts d’heure. Elle entendit le fils se lever. Il était cinq heures vingt. Elle tira la table de lit et ouvrit l’ordinateur de couleur bordeaux qui était posé dessus. Google : sanatorium Haute- Savoie : rien ; maisons de repos Haute-Savoie : rien ; MGEN : elle trouva enfin ce qu’elle cherchait : Blancheneige ! Elle se souvenait maintenant. Aucune photo. Elle aurait bien voulu en trouver une pour être sûre qu’il s’agissait bien du lieu où elle avait séjourné. Rien sur le site de la mutuelle. Google : aérium Blancheneige. Sur priceminister elle tomba sur une vieille revue de la MGEN proposée 15 euros qui présentait l’aérium en couverture. Elle ne connaissait pas le nom de la ville où s’élevaient le chalet et le bâtiment rectangulaire qui jouxtait en L : Essert-Romand, altitude : 938 m. Il avait été fermé en 1999. Très peu de détails lui revenaient : la neige où ils s’enfonçaient jusqu’à la taille malgré l’interdiction des monitrices. Du blanc pendant des mois. Des jeux de luge étaient organisés régulièrement sur la pente devant l’établissement. Une institutrice dispensait chaque jour quelques heures de cours aux enfants les mieux portants.
La toilette du soir était surveillée par une monitrice que personne n’aimait, car elle aimait donner des coups de règle sur les doigts sous n’importe quel prétexte.
Marie n’arrivait pas à s’endormir à la lumière bleue de la veilleuse qui éclairait le dortoir. On finit par l’installer dans l’une des rares chambres individuelles, au deuxième étage du chalet. Un souvenir plus vif était relié à ce séjour en aérium : sa mère malade avait failli se faire renverser par une micheline, dans une gare où elles avaient changé de train. Le mal de transport, c’est terrible. Marie l’avait rattrapée par le bras juste à temps. Le reste de cette période s’est enfoncé dans une nébuleuse d’ennui. Le cours de sa vie actuelle n’en sera pas modifié.
Katzou posa une patte prudente sur le genou de sa maîtresse dont elle n’aimait pas le regard perdu dans le vague. Marie caressa la nuque du félin qui ronronna et se roula en boule sur les genoux. Elle referma le couvercle de l’ordinateur et pris l’un des romans de la série « Fortune de France » de Robert Merle. La fiction allait la conduire dans des souvenirs fictifs qui ne lui appartenaient pas.